La réforme de la LPP a été massivement rejetée. Swissmem et d’autres associations économiques s’étaient mobilisées en faveur de la réforme à la demande des entreprises. Êtes-vous déçu ?
Stefan Brupbacher : Oui, absolument. Nous nous sommes beaucoup engagés. Et nous avions aussi les bons arguments : amélioration de la position des femmes ayant un faible taux d’occupation et un bas salaire, amélioration pour les collaborateurs d’un certain âge et moins de transfert d’argent des jeunes vers les plus âgés. Mais malheureusement, la confusion des chiffres des syndicats et les chiffres erronés de la Confédération ont créé une trop grande insécurité.
C’est un peu facile comme arguments. Il semble simplement que la position de l’économie n'était pas crédible, alors que celle des syndicats l’était.
Les syndicats utilisent depuis des années le même récit, pour ce projet également. Et oui, nous n’avons pas su présenter nos arguments aux votants.
On a perdu le projet de l’AVS. Maintenant, la réforme de la LPP. La question est de savoir comment l’économie peut encore transmettre ses revendications à la population.
Je séparerais les deux projets. Avec la 13e rente AVS, on voulait se faire plaisir sans devoir approuver en même temps le financement. Lors du vote sur le financement, nous verrons si l’accord est également donné.
Mais nous constatons que les grands projets de réforme radicaux ne sont acceptés par le peuple que si la pression financière est évidente. Aujourd’hui, cette pression n’existe ni pour l’AVS ni pour la LPP. Or, sans pression, les projets complexes ont du mal à passer la rampe, que la résistance vienne de la droite ou de la gauche.
Vous ne craignez donc pas que l’économie ait perdu de sa crédibilité ?
Non. Quand on regarde les sondages sur la crédibilité, on voit que les petites et moyennes entreprises et celles qui exportent sont tout à fait crédibles.
Mais nous – surtout les associations économiques et les partis bourgeois – avons manqué de rappeler constamment l’importance de l’économie. Et de donner l’exemple quant au respect des principes que nos grands-mères nous ont transmis, comme par exemple ne dépenser que ce que l’on gagne. Nous devons mettre l’accent sur des principes clairs, donner l’exemple, montrer leur utilité. C’est à ce niveau-là que nous devons investir pour convaincre la population. La gauche cultive son récit depuis 20 ans : « Non à la mondialisation, non à la propriété, non à l’initiative privée, non aux entreprises. »
Avec le débat sur l’austérité, c’est une autre bataille qui s’annonce.
Nous avons réussi à protéger le frein à l’endettement des attaques de la gauche. Cela me rend confiant, car le frein à l’endettement est totalement ancré dans la population.
Le peuple sait qu’il faut attacher les politiciens au mât, sinon ils cèdent aux chants des sirènes concernant des dépenses supplémentaires. Quant à savoir si l’on économisera réellement ou, mieux, si l’on dépensera moins, j’en doute. La voie consistant à simplement augmenter les impôts et les taxes est la plus simple et donc la plus tentante pour certains partis.
Revenons-en à la réforme de la LPP. Vous êtes vous-même membre du conseil de fondation dans la caisse de pension de Swissmem, à laquelle quatre associations sont affiliées. Quelles sont les conséquences du non à court et à long terme ?
Elles sont limitées, car nous avons déjà un taux de conversion inférieur à 5%. Nous sommes donc bien positionnés pour l’avenir. Mais le subventionnement croisé par les personnes à hauts revenus du domaine surobligatoire vers le domaine obligatoire va se poursuivre. De plus, les associations sont moins exposées au marché que les entreprises. C’est pourquoi, chez nous, les personnes de plus de 50 ans sont moins exposées à la pression des cotisations élevées à la CP. Et nous n’avons pas beaucoup de femmes avec de bas salaires et de faibles taux d’occupation.
Dernière question : cette réforme de la LPP a échoué ; à quand la prochaine ?
Au plus tôt dans dix ans. Il faut d’abord se focaliser sur l’AVS, dont le Conseil fédéral doit proposer la réforme structurelle d’ici à 2026. Et nous, nous devons convaincre les gens de l’importance d’une économie qui fonctionne pour tous.