La décarbonation de l’industrie est un succès : entre 1990 et 2022, les entreprises membres de Swissmem – l’association de l’industrie tech suisse – ont réduit leurs émissions de CO2 de 55%. Cela a été possible grâce à des gains d’efficacité et au passage du pétrole au gaz naturel – bien entendu, grâce à des mesures prises dans le pays sur les sites de production suisses. Les délocalisations de la production pour des raisons de coûts ont également contribué à cette réussite. De ce fait, les entreprises Swissmem ont déjà rempli les objectifs de la loi sur le CO2 pour 2030.
Avec 120 francs par tonne, la Suisse prélève sur les combustibles fossiles l’une des taxes sur le CO2 les plus élevées au monde dans l’industrie. Malgré cette taxation élevée, une délocalisation des émissions de CO2 à l’étranger a pu être évitée. Cela est dû à une politique climatique intelligente qui réduit efficacement les émissions de CO2 tout en préservant la compétitivité internationale des entreprises.
Dans ce qu’on appelle le système de convention d’objectifs, les entreprises s’engagent à réduire durablement leurs émissions de CO2 afin d’être exemptées de la taxe sur le CO2. Si elles ne prennent aucune mesure, elles risquent de devoir payer la taxe. L’industrie est, jusqu’à présent, le seul secteur à avoir atteint les objectifs intermédiaires de la loi sur le CO2. Mais avec la révision de cette loi, le législateur a élargi le champ d’application du système de convention d’objectifs : à l’avenir, toutes les entreprises – et pas seulement celles qui produisent beaucoup d’émissions – pourront adhérer au système. Swissmem salue cette extension, car elle renforce nettement l’effet de la réduction du CO2 de l’économie.
La proposition faite dans le cadre de la consultation sur l’ordonnance sur le CO2, qui doit être adaptée à la nouvelle loi, est donc d’autant plus surprenante. Jusqu’à présent, il n’y avait pas d’objectif quantitatif de réduction de CO2 pour les entreprises. Elles ont défini elles-mêmes des mesures techniquement et économiquement raisonnables, les ont mises en œuvre, et ont ainsi dépassé les réductions convenues avec la Confédération. Or l’ordonnance exige désormais une réduction annuelle d’au moins 2,5% des émissions de CO2, indépendamment de la faisabilité économique ou technologique d’une telle réduction.
L’objectif doit s’appliquer de la même manière pour tous les secteurs économiques. Or, dans des domaines tels que le traitement des métaux, des technologies ou des combustibles non fossiles font souvent défaut pour la production de chaleur industrielle à haute température. Les installations de four fonctionnant au gaz naturel doivent être amorties sur plusieurs décennies. Les réductions importantes des émissions ne sont donc possibles que lorsque des solutions sans combustibles fossiles sont disponibles et que les installations existantes sont remplacées. Des objectifs irréalistes pousseraient de nombreuses entreprises hors du système de convention d’objectifs, les obligeraient à payer des taxes élevées et mettraient ainsi en péril leur compétitivité et leur existence.
La décarbonation par la désindustrialisation n’est pas une voie viable vers le zéro émission nette d’ici à 2050. Le Conseil fédéral doit empêcher ce changement de paradigme qui va à l’encontre de la volonté du législateur. Le fait de de ne pas atteindre ces objectifs devrait être autorisé lorsqu’il n’existe pas d’alternatives non fossiles pour les processus à fortes émissions. Les facteurs de gestion économique doivent également être pris en compte, en particulier pour les installations qui ne sont pas encore amorties. L’industrie est prête à réduire ses émissions, mais les mesures doivent être viables et garantir la pérennité des entreprises. Seule une industrie forte nous permettra d’atteindre le zéro émission nette sans perdre en prospérité.