Martin Hirzel, président de Swissmem
Le monde était en passe d’échapper au fléau de la pauvreté. Un des facteurs clés en était la globalisation qui s’est énormément intensifiée au cours des dernières décennies grâce aux importants progrès dans la logistique ainsi qu’au niveau des technologies de l’information et de la communication. Le libre-échange en constituait aussi un élément central. Il a considérablement simplifié l’échange international des biens. La suppression des droits de douane et d’autres obstacles a permis aux entreprises d’étendre leurs processus de production au-delà des frontières nationales dans quelques pays développés, ce qui a augmenté la productivité et les recettes dans les pays qui ont rejoint les chaînes de valeur ajoutée mondiales.
Le « World Development Report » de la Banque mondiale de 2020 confirme que les pays moins développés ont fortement profité de la multiplication des réseaux de production globaux. Depuis 1990, presque 1,1 milliard de personnes ont échappé à l’extrême pauvreté. Des classes moyennes ont pour la première fois vu le jour à de nombreux endroits. Cette incroyable dynamique, je l’ai vécue durant mes longs séjours en Asie et en Amérique du Sud.
Cependant, cette évolution a ralenti depuis 2007. Outre l’affaiblissement de l’économie mondiale, les conflits commerciaux et le protectionnisme croissant se mettent en travers de la globalisation. Le blocage de l’OMC a aussi contribué à ce ralentissement. À cela s’ajoute le fait qu’en particulier dans les sociétés occidentales, les critiques face à la globalisation ont augmenté. De plus, la pandémie de corona a dernièrement montré la fragilité des chaînes d’approvisionnement globales. Tout cela remet en question les gains en prospérité des dernières décennies. Il y a un risque que la pauvreté augmente à nouveau.
Toutefois, il n’est pas seulement question de prospérité qui s’estompe et de pauvreté qui croît. Le fait est que les pertes de prospérité compliquent la protection de l’environnement et du climat. En conséquence, surtout dans les régions les moins développées, les fonds pour investir dans des technologies écologiques font défaut. De plus, une récession économique donne plutôt lieu à des agitations sociales qu’à un comportement écologique - une situation que souvent les milieux critiques face à la globalisation et à l’écologie ne reconnaissent pas.
La paralysie de l’OMC a soulevé un problème supplémentaire. Elle complique la légitimité juridique des règles du commerce internationales. Par conséquent, le risque de discriminations politico-militaires croît pour les États commerciaux. Ce point concerne en particulier les petits États tels que la Suisse qui ne disposent pas de moyens politico-militaires.
Il faut une renaissance du libre-échange. C’est décisif pour la Suisse car elle gagne un franc sur deux à l’étranger. Avec un taux d’exportation de 80%, l’importance des exportations pour l’industrie des machines, des équipements électriques et des métaux est encore plus marquée que dans de nombreuses autres branches. Le marché intérieur est tout simplement trop petit pour garantir la pérennité des entreprises industrielles et de leurs quelque 313 000 collaborateurs.