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Répartition du fardeau de la preuve si un licenciement abusif est contesté

Après la résiliation d’un contrat de travail, il arrive que le collaborateur conteste le licenciement pour motif abusif. La question se pose alors de savoir comment répartir le fardeau de la preuve en cas de litige. Le Tribunal fédéral s’est prononcé à ce sujet il y a quelques mois.

Selon l’art. 336 CO, un licenciement est en principe considéré comme abusif si un des faits énumérés se produit. Cette liste n’est toutefois pas exhaustive (ATF 125 III 70 E. 2). L’art. 336 CO atteste l’interdiction de l’abus de droit stipulée dans l’art. 2 al. 2 CC, et d’autres abus d’une gravité comparable à ceux mentionnés à l’art. 336 CO sont aussi envisageables (ATF 136 III 513 E 2.3). À titre d’exemple, le Tribunal fédéral a mentionné dans l’ATF 4C.252/2001 du 18 décembre 2001 la violation du devoir d’assistance de l’employeur étant donné que ce dernier n’avait pas pris les mesures que l’on pouvait raisonnablement attendre de lui face au mauvais climat de travail.

Le lien de causalité comme conditions pour invoquer un licenciement abusif

Afin qu’un licenciement prononcé soit considéré comme abusif, il faut un lien de causalité entre le motif illicite de licenciement et le licenciement prononcé. Par conséquent, le motif non conforme à la loi doit avoir joué un rôle déterminant dans le contexte de la résiliation du contrat effectuée par l’une des parties. Ceci est également valable pour d’autres motifs qui ont conduit à la résiliation du contrat existant. Dans ce cas, il s’agit de déterminer si, même sans l’existence du motif ayant conduit au licenciement abusif, la résiliation du contrat aurait tout de même été prononcée (ATF du 11 novembre 1993). 

Pratique en vigueur concernant la répartition du fardeau de la preuve si un licenciement abusif est prononcé selon l’art. 8 CC

Selon la règle générale du fardeau de la preuve conformément à l’art. 8 CC, la partie qui fait valoir des prétentions découlant d’un licenciement abusif doit prouver qu’il existe un motif de licenciement abusif ainsi qu’un lien de causalité entre ce motif et le licenciement (ATF 123 III 246).  Dans ce contexte, il n’appartient pas au juge d’examiner si les motifs invoqués par le travailleur ont effectivement été déterminants pour le licenciement, si le travailleur ne fournit pas d’éléments à cet égard (Tappello TI du 18 septembre 1995 dans JAR 1996 p. 219).

Le travailleur ne peut donc pas se contenter de contester les motifs de licenciement invoqués par l’employeur, mais doit apporter des indices qui ont conduit à un licenciement abusif de la part de l’employeur (Tribunal cantonal SG du 3 août 1994 dans SG GVP 1995 n° 38). Le fardeau de la preuve du motif effectif et abusif du licenciement est à la charge du travailleur.

Toutefois, compte tenu du fait que la preuve, notamment de l’existence du lien de causalité décrit ci-dessus, est souvent difficile à apporter, la jurisprudence se base sur un degré de preuve légèrement réduit de haute vraisemblance pour la preuve des faits ayant conduit au licenciement abusif (ATF 4A_665/2010 du 1er mars 2011 E. 7.2). Cette forte probabilité peut donc découler d’indices, par exemple du comportement concret de l’employeur (TF dans SJ 1993 p.360), d’un lien temporel étroit sans autre motif plausible de licenciement (TC JU arrêt du 2 février 1996 dans RJJ 1996 p.253) ou lorsque le travailleur peut démontrer, sur la base d’indices concluants, que le motif de licenciement invoqué par l’employeur ne correspond pas à la réalité (ATF 130 III 699 consid.4.1).

Le degré de preuve réduit décrit ci-dessus n’entraîne cependant en aucun cas une réduction supplémentaire de l’exigence de preuve à une simple probabilité ou à un renversement du fardeau de la preuve (Oger ZH dans ZR 2001 n° 51 = JAR 2002 p. 243). Toutefois, si suffisamment d’indices pour un éventuel licenciement abusif existent, l’employeur doit au moins contribuer à l’administration des preuves et soumettre d’éventuelles contre-preuves (ATF 4A_665/2010 du 1er mars 2011 E. 7.2).

Confirmation de la pratique actuelle par le Tribunal fédéral dans l’ATF 4A_368/2022 du 18 octobre 2022

Dans son jugement 4A_368 / 2022 du 18 octobre 2022, le Tribunal fédéral a traité d’un licenciement abusif. Il s’agissait d’une démission ordinaire que l’employeur avait contesté parce qu’il soupçonnait une soi-disante démission de vengeance, bien que l’employeur ait indiqué une restructuration interne comme motif de démission.

Dans l’arrêt susmentionné, la cour suprême a confirmé la jurisprudence en vigueur. En vertu de la règle générale de l’article 8 du Code civil, c’est en principe à la partie qui a reçu la démission de prouver le caractère abusif. Le juge peut présumer une démission abusive s’il y a suffisamment d’indices pour invalider le motif mentionné par l’employeur. Bien que cela facilite l’administration de la preuve, cela ne signifie pas un renversement de la charge de la preuve. Au contraire, l’employeur ne peut pas rester inactif et doit fournir des preuves supplémentaires pour justifier son motif de licenciement (voir aussi ATF 130 III 699 E. 4.1).

Pour de plus amples informations, les entreprises membres de Swissmem peuvent s’adresser à Monsieur Marcel Marioni, chef de secteur, Politique patronale (044 384 42 09 ou m.marioninoSpam@swissmem.ch).

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Dernière mise à jour: 13.03.2023