Commentaire de l’invité Matthias Zoller, Secrétaire général Swiss ASD (secteur industriel aérospatial et défense de Swissmem) dans la NZZ.
La mission déterminée dans la Loi sur le matériel de guerre (LFMG) est claire. Pour assurer sa capacité de défense, la Suisse doit pouvoir compter sur une « base technologique et industrielle importante pour la sécurité ». Cela ne signifie pas que nous devons produire tous les systèmes d’armes nous-mêmes. Aujourd’hui, les pays en mesure de le faire sont peu nombreux. Cela signifie plutôt que l’industrie suisse doit disposer du savoir-faire technologique nécessaire pour assurer que les systèmes militaires existants et futurs restent opérationnels. Nous n’avons donc pas d’autre alternative que d’acheter des systèmes d’armement à l’étranger.
Afin de créer une dépendance mutuelle, la philosophie de l’industrie d’armement suisse consiste à occuper la première place dans certains domaines technologiques. La Suisse se positionne ainsi dans une situation qui la rend indispensable pour les pays partenaires. En même temps, et en cas de conflit, nous pouvons compter sur leur soutien.
Ă€ qui livrer ?
Cependant, cela implique la nécessité de pouvoir exporter du matériel de guerre. En outre, le marché suisse est beaucoup trop petit pour développer de manière rentable des technologies de pointe. Sans exportations, l’industrie de l’armement suisse ne peut survivre. Et sans l’exportation de technologies de pointe, la Suisse perdra son statut de pays indispensable pour les pays partenaires. En cas de conflit, la Suisse risque de se retrouver seule. La sécurité de la Suisse est menacée.
La Suisse doit réfléchir à qui elle veut exporter du matériel de guerre et dans quelle mesure la LFMG doit être adaptée. Pour l’industrie de l’armement, il doit être possible d’exporter du matériel de guerre également vers des pays en situation de conflit – mais uniquement vers les pays mentionnés dans l’annexe 2 de l’OMG. Il s’agit d’États démocratiques qui respectent les mêmes règles d’exportation internationales que la Suisse. Toutefois, le Conseil fédéral devrait avoir la compétence d’interdire les livraisons, selon le cas, pour des raisons de sécurité ou politiques.
Pourquoi est-ce important ? Si un pays d’Europe de l’est, membre de l’OTAN, est impliqué dans un conflit, cela déclenche la clause de défense. Par conséquent et en vertu des règles en vigueur, presque aucun État mentionné dans l’annexe 2 de la LFMG ne pourrait être approvisionné en armes et munitions suisses. Cela signifie que même en temps de paix, aucun de ces États ne se procurera du matériel de guerre en Suisse à l’avenir, car en cas de conflit, il ne lui serait plus possible de remplacer du matériel ou de s’approvisionner en munitions.
Par conséquent, l’industrie suisse de l’armement perdrait les clients de ses marchés les plus importants. Les exemples du Danemark et des Pays-Bas montrent que ce ne sont pas des chimères. Dans ces pays, des initiatives politiques veulent interdire les acquisitions en Suisse.
«Interchangeabilité»
Parallèlement, l’industrie de l’armement s’attend à ce que l’interdiction de réexportation soit également levée pour les États mentionnés dans l’annexe 2 de la LFMG. Et pour quelle raison ? Les États européens membres de l’OTAN visent « l’interchangeabilité ». Le but de cela est de pouvoir acquérir et utiliser ensemble et sans obstacles des systèmes d’armes. En d’autres termes, ils veulent pouvoir échanger entre eux des systèmes d’armement sans devoir demander une autorisation. L’interdiction de réexportation en vigueur en Suisse s’y oppose complètement.
L’industrie suisse de l’armement respecte l’interdiction de livrer du matériel de guerre à des États qui violent systématiquement les droits de l’homme. Cependant, elle doit pouvoir exporter pour soutenir la capacité de défense de la Suisse et donc sa sécurité. C’est pourquoi, nous devons immédiatement adapter la loi sur le matériel de guerre.